La nuit est longue à 4 000m, les yeux se ferment mais sans effet. Pour me prouver que le temps avance je regarde ma montre. 5h17, c’est exactement à cette heure ci que j’avais mis mon réveil pour monter, avec Nima, voir un lever de soleil, il y a quelques jours.

Sans trop réfléchir, je m’habille, prends tout ce que j’ai, remplis le sac avec le matériel photo et 2 barres de céréales et me voilà dehors, au milieu du village, dans la nuit noire.

Un petit sommet à 300m au-dessus du village fera un beau point de vue de lever de soleil, j’avais repéré la veille quelques trekkeurs sur les Z du sentier.

Après quelques secondes ma frontale n’a plus d’appuis, le lointain est noir. J’avance vers le flan. En tournant ma tête à droite des points jaune/vert, par deux me font face. Des yeux oui mais de quoi. Mon cœur, déjà haut avec l’altitude, s’emballe : loups, grizzlis, yetis,.. j’opte pour des yeux de yacks, ça fait moins peur. Personne n’aura jamais la réponse.

Je prends plaisir avec cette poussée d’adrénaline, le sac est aussi bien plus léger, l’altitude est grisante. Le lever du jour sur tous ces sommets blancs depuis toujours est un délice, le ciel bleu marine perd ses étoiles unes à unes. Je monte avec la force du plaisir.

Arrivé à mon petit sommet j’ai 20 minutes d’avance, alors je continue, de plus haut ce sera encore plus beau.

J’arrive au sommet que les guides appellent le « petit Mont Blanc » pour faire plaisir aux européens. Le soleil vient d’allumer le sommet du Langtang Lirung.

Un peu étourdi par la montée et l’altitude je m’assois à l’abri du vent et me dis que d’ici 10 minutes, le soleil devrait arriver jusqu’ici. J’ai froid.

Un petit oiseau semblable à un moineau vient se poser à 30 cm de moi. Il picore le sol gelé tout en me regardant d’un œil. Présage ou message ? jamais un oiseau n’est venu aussi près. Je me dis qu’une petite photo serait sympa mais mon corps ne comprend pas le message. Mes doigts gonflés ne veulent pas faire l’effort d’ouvrir ma veste pour prendre la batterie dans ma poche. Mes pieds semblent collés à une plaque de bois. Y a clairement un truc qui ne fonctionne pas. Rien de grave car je suis à moins d’une heure de l’hôtel mais il faut tout de même faire quelque chose. Je suis resté 20 minutes sans bouger et le soleil est partout sauf ici, mon sommet est à l’ombre d’un grand triangle tout au loin !!! Être à 4600 m à l’ombre d’une montagne, ça ne colle pas pour un cerveau européen.

Je décide donc de conjurer tout ça et me mets à descendre puis remonter les 20 derniers mètres du sommet. Peu à peu tout semble entrer dans l’ordre, sauf le soleil qui est maintenant derrière un nuage sommital. Le soleil et la chaleur sont au bas de la pente, le vent le froid et les drapeaux tibétains, juste ici. Je continue mes aller/retour.

Après 45 minutes, je suis libéré, tout s’éclaire. Quelques photos rapides et hop direction le petit déjeuner en famille. Je redescends en courant et prends un plaisir fou à ressentir mon corps et mon cerveau fonctionner comme avant.

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